Sponsoring de l’OL : un marché trouble au cœur de Brazzaville
Depuis plusieurs mois, l’Olympique lyonnais discute d’un contrat de sponsoring hors norme avec la République du Congo. Officiellement, l’accord serait destiné à promouvoir l’image du pays à travers le club français. En réalité, le projet ressemble de plus en plus à une manœuvre opaque, montée en dehors de tout cadre institutionnel.
Car derrière l’apparente opération de communication se cache un gouffre financier : selon Jeune Afrique et d’autres médias, Brazzaville envisagerait de verser entre 6 et 7 millions d’euros par saison à l’OL. Un chiffre insensé, alors même que le marché évalue ce type de partenariat entre 3,5 et 4 millions d’euros. La République démocratique du Congo, voisine et bien plus puissante, s’était d’ailleurs vu proposer des conditions bien inférieures lors de négociations similaires.
Une décision solitaire, hors de tout contrôle
Le dossier est piloté par le ministre congolais des Sports, Hugues Ngouélondélé, gendre du président Denis Sassou-Nguesso.
Aucun débat au conseil des ministres, aucune ligne budgétaire votée, aucune étude préalable tout indique que le projet s’est construit en marge des procédures officielles, au gré d’un pouvoir personnel. Une légèreté inquiétante, quand il s’agit d’engager des dizaines de millions d’euros d’argent public.
Des intermédiaires aux profils douteux
Au cœur de ce montage apparaissent deux personnages troubles. D’abord Thierry Braillard, avocat français et ancien secrétaire d’État aux Sports. Ensuite, Cisco Mulongo, homme d’affaires de Kinshasa surnommé le « Bernard Tapie » congolais. Ces deux hommes avaient déjà tenté de s’inviter dans un précédent projet de sponsoring entre l’OL et la RDC – « Destination RD Congo » – porté par l’homme d’affaires Luc Mangala. L’affaire avait capoté, notamment en raison de rivalités internes et de la volonté d’écarter l’initiateur du dossier.
Curieusement, le projet mort-né à Kinshasa a ressurgi à Brazzaville, avec les mêmes acteurs en embuscade. Un glissement géographique qui laisse craindre une instrumentalisation pure et simple du partenariat à des fins privées.
Une pantalonnade dangereuse
Dans un contexte où l’OL traverse des difficultés financières, les négociations auraient dû placer le club français en position de faiblesse. Au contraire, c’est le Congo qui s’apprête à payer deux fois le prix du marché. Une aberration économique qui soulève une question simple et vertigineuse : pourquoi Ngouélondélé accepterait-il de faire payer à son pays si cher ce qui vaut deux fois moins ?
Derrière l’opacité, les combines et les intermédiaires, c’est la crédibilité même de l’État congolais qui se trouve compromise. À l’heure où la population subit de plein fouet la crise économique, ce projet aux allures de mascarade donne le sentiment que les finances publiques se sont transformées en terrain de jeu pour quelques initiés.
Le projet initialement baptisé « Destination RD Congo » a récemment changé d’intitulé pour devenir « Destination Congo-Brazzaville ».
Une appellation contestée : en effet, Brazzaville n’est que la capitale de la République du Congo et ne saurait représenter l’ensemble de la nation. Ce choix pourrait par ailleurs ouvrir la voie à des accusations de plagiat et suscite déjà un tollé dans certains cercles.
Autre sujet de controverse : l’implication annoncée de l’Olympique lyonnais (OL). Le club français serait censé contribuer à la formation de cadres techniques locaux et à la réhabilitation du complexe sportif de Kintélé. Une promesse qui interroge. L’OL est-il un club de football ou une entreprise de BTP ?
C'est la question que soulève le journaliste indépendant Romain Molina.
Les compétences en matière de rénovation d’infrastructures restent pour le moins limitées.
Le projet, oscillant entre vitrine sportive et initiative de visibilité, reste jalousement gardé par le ministre en charge et son directeur de cabinet, Charles Makaya. D’autres ministères pourtant directement concernés, comme celui du Tourisme, n’ont pas été associés aux discussions. Cette opacité nourrit les critiques quant au bien-fondé et à la transparence de l’opération.
Au-delà de ces questions techniques, une interrogation plus politique se dessine : Denis Sassou-Nguesso conserve-t-il pleinement le contrôle, tant de son pays que de son entourage rapproché, y compris de son gendre impliqué dans divers projets économiques et politiques ? Le dossier « Destination Congo » pourrait bien devenir un révélateur des fragilités du pouvoir et des tensions internes qui agitent la gouvernance congolaise.